Les vagues, les amours,
c’est pareil

Note

C’est de l ‘eau est un discours que David Foster Wallace a adressé en 2005 aux étudiants du Kenyon collège à l’occasion de la fin de leurs études. C’est ce qu’on appelle aux Etats-Unis un « commencement speech ».

Respectant les conventions des allocutions de ce genre, utilisant blagues et anecdotes, il interroge ce qu’est la « capacité de penser », c’est à dire « le choix de ce à quoi on pense ».
Il alerte les étudiants sur « les tranchées de la vie d’adulte » , le « jour après jour après jour » et leur propose d’observer ce quotidien, en général frustrant et difficile pour chacun, sans le fuir, de décaler leur regard pour – je le cite « considérer ces moments , non seulement comme pleins de sens mais aussi sacrés , animés de la même force qui a créé les étoiles , la compassion , l’amour , l’unité souterraine de toute chose ».
Il se prend lui même en exemple dans l’enfer de la file d’attente d’un supermarché ou encore dans celui d’un embouteillage et décrit les aléas de sa pensée et l’effort qu’il faut faire pour se regarder soi, « tel quel », dans l’instant présent de ses pensées afin de pouvoir regarder l’autre dans son mystère et sa nécessaire différence . Être capable de ne pas voir le monde exclusivement à travers le prisme de soi.
Ce texte m’a renvoyé à ce que je vis dans mon quotidien de femme, d’actrice, de mère. Le terrain de la pensée n’est pas uniquement celui des livres et du silence. A chaque instant il est possible de s’élever et d’apprendre. Cet encouragement à penser dans son quotidien , sans chercher ailleurs , sans chercher de l’extraordinaire sans attendre , sans remettre à plus tard , regarder la réalité telle quelle est, et, par des mouvements infimes de pensée , se décaler pour parvenir à trouver du sens et de la beauté est dynamisante .
Alors il faut agir et j’ai eu envie de mettre ce texte en mouvement.

Ce texte propose d’inventer une vie qui vaut la peine d’être vécue, « une vie avant la mort », à tenter, à faire l’effort, le travail nécessaire, à essayer mais sans avoir de solution. Ce n’est donc pas une méthode, ni un discours fermé, mais bien une impulsion, un essai, une tentative à recommencer chaque jour, chaque soir…
Ce n’est pas un monologue, mais une adresse, une adresse en miroir, dont le regard et l’écoute sont le cœur.
Je réfléchis sur la forme du discours qui articule un « je » et un « tu », dans un lieu donné, à un moment donné.
Qui prend la parole ? A qui la société donne-t-elle la parole ?
Quel est donc cet événement que celui de prendre la parole ?
Il s’agit d’oser s’exprimer, oser penser, gagner ce droit de haute lutte.
Je voudrais, pendant le temps de la représentation construire « un espace à soi », une « tribune à soi », d’où je prendrai la parole.
Avant tout être absolument autonome, libre et légère. Défaillante, vulnérable, mais libre. Voilà ce que j’aimerai chercher, incarner, éprouver en construisant cette tribune.

Marie Vialle , 27 janvier 2018.

©Photo : Richard Schrœder
©Photo : Richard Schrœder